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COVID-19 : Quelle indemnisation des Entreprises au titre de la perte d’exploitation ?

7 Juil 2020 | Also Décrypte, On en parle

Les réseaux sociaux fourmillent de pétitions et d’avis (notamment de restaurateurs célèbres) dénonçant l’absence d’indemnisation des compagnies assurance sur leur contrat de perte d’exploitation au titre des conséquences de Covid-19. Il est vrai que le sujet est particulièrement délicat dans une période où notre pays et certains secteurs d’activité en particulier sont totalement à l’arrêt du fait de la pandémie en cours. Notre Président s’est lui-même fendu d’une petite saillie en direction des compagnies d’assurance dans l’un de ses discours télévisé, appelant les assureurs à prendre leurs responsabilités.

Pour autant les principes généraux de l’assurance sont en l’espèce totalement bafoués : la problématique des compagnies pourrait se résumer à la question suivante : comment indemniser une sinistralité de 100 % sur certains secteurs d’activité, alors que le risque de base (la pandémie) survient avec une fréquence tellement faible que l’on peut parler de risque de queue de distribution… Une probabilité d’occurence extrêmement faible et une statistique de sinistres très élevée (100% des entreprises de certains secteurs ou presque pendant 2 voire 3 mois !) Surtout si on considère que les conséquences de ces pertes d’exploitation des secteurs les plus touchés sont liés à une fermeture administrative généralisée par l’État et non à un risque individualisé et ayant touché l’entreprise ou son dirigeant. Un budget d’indemnisation estimé à 60 milliards d’euros par la FFSA !

Quoi qu’il en soit l’affaire est sérieuse entre assureurs face à un risque exceptionnel et assurés s’estimant lésés… Certains assureurs ont tenté de prendre les devant, comme le Crédit Mutuel qui a annoncé le 22 avril qu’il verserait par « solidarité » « une prime de relance mutualiste forfaitaire et immédiate » pour ses clients ayant souscrit une multirisque professionnelle avec perte d’exploitation. L’enjeu pour l’assureur mutualiste est de l’ordre de 200 millions d’euros, avec un montant moyen de 7000 euros par client.

L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a également pris le sujet en main en ouvrant le 6 mai une enquête sur les garanties en perte d’exploitation des assureurs. Cette mission, qui n’a pas rôle de justice, pourra, selon le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, « éclairer les consommateurs dans leurs droits ».

Autre démarche, une pétition lancée sur change.org demande au gouvernement de décréter « l’état de catastrophe sanitaire », ce qui permettrait de déclencher des indemnisations. Une demande d’ores et déjà refusée par Bruno Le Maire, qui précise que « les risques qui n’étaient pas couverts contractuellement ne peuvent être indemnisés », tout en ajoutant que certains contrats couvrent « la prise en charge des pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative d’activité ou de dommages non matériel », ce qui selon lui doit conduire l’assuré à être « indemnisé sans délai ».

Clairement c’est sur le rédactionnel des contrats que l’attention va se focaliser, et la justice devra trancher sur de nombreux cas. Un restaurateur parisien a ainsi remporté le 22 mai dernier une première victoire contre AXA sur la base d’un jugement en référé, qui devra toutefois être confirmé sur le fond, l’assureur ayant fait appel. Certains avocats commencent également à coordonner les démarches de leurs clients, et une action collective a été lancée dans le sud ouest pour inciter les assureurs à négocier avec les professionnels impactés par la crise sanitaire.

Les assureurs ont pourtant tenté de participer à l’effort national de façon substantielle, avec plusieurs milliards d’euros d’aide à la relance, et 400 millions d’euros de participation au fonds de solidarité destiné à indemniser les petites entreprises, les indépendants et les professions libérales ayant enregistré au moins 50% de perte de CA ou fermés administrativement. Mais leur communication ne prend pas, et l’idée de faire payer les assureurs reste populaire en France et ce jusque dans les rangs de la majorité Présidentielle.

Dans tous les cas, il semble bien que les indemnisations seront majoritairement issues de décisions de justice, basées sur une analyse précise des contrats de chaque client, ce qui pose légitimement le problème du futur de ce type de couvertures : comment faire souscrire des contrats à des professionnels s’ils estiment que les risques contre lesquels ils s’assurent ne seront pas couverts s’ils surviennent ? Et côté assureurs, comment procurer des couvertures de qualité sans pour autant déposer le bilan en cas de sinistratlité exceptionnelle telle celle observée lors de la récente pandémie ?

L’UMIH, l’organisation patronale de l’hôtellerie-restauration, a décidé dans ce contexte de prendre le sujet à bras le corps et de se passer des assureurs traditionnels pour élaborer ses propres contrats garantissant les besoins essentiels des professionnels du secteur : un contrat construit par les professionnels, pour les professionnels. Une démarche qui ne manque pas d’émoustiller le secteur de l’assurance, une quinzaine de spécialistes du domaine ayant déjà tapé à la porte de l’UMIH pour participer à ces travaux…

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